samedi 11 juillet 2015

Le prion joue un rôle crucial dans le maintien des souvenirs



Accumulation sous forme de bâtonnets de la protéine prion (PrPc) dans le cerveau d’un enfant atteint de Creutzfeldt-Jacob iatrogène, contamination par hormone de croissance. Marquage à l’or colloïdal (10nm) avec un anticorps anti prion (PrP).
Quatre publications simultanées montrent que les souvenirs sont maintenus à long terme chez la souris grâce à des protéines de type prion.


Qui n’a pas gardé en mémoire le souvenir de son premier baiser ou la naissance de son premier enfant ? Et bien ce serait grâce à une protéine de type prion ! En théorie du moins. Quatre publications simultanées du laboratoire d’Erik Kandel (prix Nobel de médecine) de l’université Columbia (États-Unis), parues dans les revues Neuron et Cell Reports, attestent de ce mécanisme chez la souris.
Les chercheurs avaient déjà établi que les souvenirs sont créés via l’hippocampe, cette structure cérébrale impliquée dans la mémoire et où se forment les nouvelles connexions entre neurones pour stocker l’information. Si un souvenir n’est pas entretenu, les connexions s’affaiblissent et, à la longue, le souvenir s’efface. Si, en revanche, le souvenir est renforcé par la remémoration, alors il s’engramme dans le cortex où il peut perdurer des mois, des années, voire toute la vie ! « Nous ne nous souvenons durablement que des expériences importantes ou répétées, explique Eric Kandel spécialiste mondial de la neurobiologie de la mémoire. Mais comment la mémoire à long terme reste-t-elle dans les synapses ? Et que se passe-t-il à chaque fois qu’une synapse se crée? »
Étude sur un escargot de mer géant
Pour répondre à ces questions, le laboratoire du prix Nobel a entamé dès 2003 l’étude des neurones de l’aplysie, un escargot de mer géant. « Nous avons découvert qu’un stimulus répété dans le noyau du neurone entraînait l’activation de certains gènes qui produisent de nouvelles synapses », explique le spécialiste. Quelle ne fut pas alors sa surprise de découvrir dans les synapses la présence d’une protéine, nommée CPEB (cytoplasmic polyadenylation element binding protein) aux caractéristiques d’une protéine de sinistre réputation : le prion. Une protéine de type prion, capable de prendre plusieurs formes et de propager sa conformation à sa voisine, est notamment responsable de la maladie de la « vache folle » et de celle de Creutzfeld Jacob chez l’humain. Elle est aussi probablement impliquée, on le sait aujourd’hui, dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
La CPEB découverte dans les synapses de l’aplysie, tandis que celle-ci mémorisait des souvenirs, présentait des caractéristiques du prion, sans pour autant être pathogène. Sa capacité à changer de forme et à s’autoperpétuer lui permet de demeurer indéfiniment dans la synapse.
Une protéine présente aussi chez les mammifères
Restait à prouver sa présence chez les mammifères. C’est désormais chose faite, chez la souris ! Les études publiées par le laboratoire de Columbia montrent le rôle crucial de la protéine de type prion CPEB3 dans le maintien à long terme des souvenirs. En effet, lorsqu’une souris est manipulée génétiquement pour ne plus exprimer le gène de CPEB3, elle est incapable de garder un souvenir (celui d’un parcours dans un labyrinthe) plus de deux semaines !
Explication : comme tout prion, la CPEB3 peut prendre deux formes, soluble ou agrégée. Lors de la formation des souvenirs à long terme, la forme soluble de CPEB3 contenue dans les nouvelles connexions synaptiques est convertie en forme agrégée. Cette transformation active la synthèse protéique nécessaire pour maintenir la mémoire. Et les souvenirs persistent aussi longtemps que ces agrégats perdurent. Pour ce faire, les prions agrégés se renouvellent eux-mêmes, en recrutant et transformant sans cesse de nouveaux prions solubles. Une protéine similaire à la CPEB3 existe chez les humains, ce qui laisse à supposer que nous avons le même mécanisme. Mais cela reste à prouver.

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