dimanche 5 juillet 2015

Grece : un référendum sous la pression de l’asphyxie économique


5 juillet, 2015
Aujourd’hui, journée historique, mais l’histoire, habituellement écrite pas les vainqueurs, par qui est-elle écrite en cet instant-même? Car si tous les scénarios sont possibles, si aucune possibilité n’est à écarter, les faits nous montrent bien que tous les coups sont permis, même les plus bas, quand à la validité des votes, les possibilités de triche ne sont pas à écarter non plus…



Le “oui” progresse dans les sondages avant le référendum de dimanche. Une évolution logique au regard de l’accélération de la dégradation économique cette semaine.
Le référendum du dimanche 5 juillet en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin et leur proposition de soutenabilité de la dette va se tenir dans des conditions désastreuses sur le plan économique. Mais ce vote aura lieu dans une situation bien particulière. Le refus de l’Eurogroupe le 27 juin de prolonger le programme d’un mois, comme le demandait Athènes et la décision de la BCE dimanche 28 juin de ne pas relever le plafond des liquidités d’urgence disponibles pour le secteur financier grec, ont conduit à une asphyxie complète de l’économie. Lundi, le gouvernement grec a décidé de fermer les banques, de limiter les retraits à 60 euros quotidiens par carte et d’imposer un contrôle des capitaux. La Grèce est depuis dans un état d’asphyxie économique.

Un référendum hors standard ?
De nombreux observateurs se sont émus des conditions dans lesquelles ce référendum a été organisé. On a estimé que les huit jours de campagne ont été insuffisants et que les documents sur lesquels les Grecs devaient se prononcer n’étaient pas disponibles. Le Conseil de l’Europe a considéré que ce référendum ne remplissait pas les « standards européens » du vote. Le Conseil d’Etat grec doit se prononcer sur sa constitutionnalité ce vendredi. Mais derrière ces éléments juridiques, on oublie que les créanciers ont fait campagne en Grèce en faveur du « oui » à leurs propositions avec des moyens autrement plus puissants.
Un désastre économique
Le premier moyen est donc l’accès à l’aide à la liquidité d’urgence, le programme ELA de la BCE. Cette dernière n’entend pas provoquer un Grexit. Elle a donc maintenu l’accès à l’ELA sans le couper. Une attitude confirmée mercredi 1er juillet au soir. Mais ce gel est un moyen de pression formidable sur la population. L’asphyxie de l’économie grecque est chaque jour plus évidente. Les entreprises grecques ont été exclues du système électronique de transferts intra-zone euro Target 2. Ceci conduit à une impossibilité quasi-totale d’importer. Des pénuries de nourriture, d’essence et de médicaments ont été signalées, notamment dans les îles. Dans les banques, on commence à manquer de billets pour alimenter les automates. Retirer les 60 euros autorisés devient difficile. Selon le Daily Telegraph, il ne resterait que 500 millions d’euros de liquidités disponibles dans les banques grecques. L’économie grecque s’effondre. Selon Paul Mason, envoyé spécial de Channel 4 en Grèce, le chiffre d’affaires dans le commerce de détail non alimentaire a reculé de 30 % à 50 % en cinq jours.

Pour beaucoup d’électeurs, la question n’est donc pas de voter pour ou contre les propositions, mais pour ou contre le retour à la normale en apaisant la fureur des créanciers et de la BCE. Le « oui » ne peut donc que profiter de cette asphyxie économique organisée.
Des entreprises favorables au « oui »
Dans cette situation, beaucoup d’entreprises font plus ou moins ouvertement campagne pour le « oui » afin d’obtenir ce retour à la normale. Selon la chaîne publique ERT, certains chefs d’entreprises inciteraient ouvertement leurs employés à voter « oui », d’autres feraient dépendre le paiement des salaires ou le maintien des emplois d’un vote positif. Rien d’étonnant à cela : sans rétablissement rapide de la liquidité dans l’économie et de la capacité d’importer, ces entreprises pourraient rapidement disparaître. D’autant que la situation économique du pays était déjà dégradée. Dès lors, l’argument du « non » pour rejeter l’austérité devient naturellement fragile. Mieux vaut sans doute pour beaucoup une nouvelle cure d’austérité à un arrêt total de l’économie.
Des médias privés très engagés pour le « oui »
Le deuxième moyen de pression est plus classique. Les médias grecs privés se sont quasiment tous lancés dans une campagne pour le « oui. » Des statistiques récentes montraient que le temps accordé sur les chaînes privés aux manifestations du « non » le 29 juin était anecdotique : 8 minutes contre 47 minutes pour celle du « oui » le 30 juin. Ces médias sont prêts à toutes les manipulations.

Le tabloïd Press Star a ainsi utilisé en une jeudi 2 juillet la photo d’un vieil homme portant quelques pains pour illustrer le malheur des retraités grecs. Une photo qui s’est révélé être celle d’un survivant du… tremblement de terre turc de 1999.

L’enjeu défini par les institutions
Un jeu sur la peur que les créanciers n’hésitent pas à utiliser, eux aussi. La BCE a ainsi ouvertement fait du référendum un vote pour ou contre l’euro. Outre son action sur l’ELA, les déclarations mardi 30 juin au matin de Benoît Cœuré, membre français du directoire de la BCE, a mis fin par une simple reconnaissance de la possibilité du Grexit à l’irréversibilité officielle de l’euro. Dès lors, les électeurs grecs, favorables, selon les derniers sondages, à 81 % au maintien dans la zone euro sont prévenus. Le président de l’Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem a abondé dans ce sens, tandis que le président du parlement européen Martin Schulz a promis un nouveau départ pour la Grèce « une fois l’ère Syriza terminée. » Autrement dit, les électeurs sont prévenus : un « non » signifierait le maintien de l’asphyxie économique, la sortie de l’euro et la mise au ban de l’Europe. Le refus des créanciers de poursuivre les négociations comme Alexis Tsipras l’avait proposé a encore augmenté la pression sur les électeurs en leur laissant entendre qu’il ne pourrait pas y avoir de nouvelles négociations en cas de « non. »
Le « non » en position de faiblesse
En face, le camp du « non » a bien peu d’arguments à faire valoir : Alexis Tsipras lundi 29 juin et Yanis Varoufakis jeudi 2 juillet ont mis leur mandat dans la balance. On tente aussi de glorifier le « non » en rappelant le fameux « non » du général Metaxas à l’ambassadeur d’Italie le 28 octobre 1940 qui est devenu une fête nationale en Grèce. Un moyen d’en appeler à la dignité du peuple grec face aux pressions. Mais c’est en réalité bien peu au regard de la situation et l’argument d’une position plus forte pour négocier en cas de « non » perd de la crédibilité face aux conditions matérielles. Même dans le camp gouvernemental, l’unité est mise à mal. Quatre députés des Grecs indépendants ont ainsi choisi de voter « oui » et, selon la presse grecque, la droite de Syriza commence à douter. Le choix des Grecs semble être désormais celui-ci : conserver l’actuel gouvernement élu pour rejeter le système traditionnel de partis clientélistes et se diriger vers le chaos économique ou rétablir la normalité économique en sacrifiant Alexis Tsipras. Nul ne peut blâmer des Grecs déjà lassés par cinq ans de souffrances de faire le second choix. Mais il convient de ne pas oublier que ce choix se fait avec un pistolet sur la tempe dont on entend déjà le cliquetis.
Le oui a le vent en poupe
Et de fait, la stratégie des créanciers fonctionne. Le « oui » a clairement le vent en poupe et progresse. Un sondage réalisé par Alco et publié ce vendredi donne le « oui » gagnat d’une courte tête avec 44,8 % des intentions de vote contre 43,4 % pour le « non » et 11,8 % d’indécis. Un autre, réalisé par l’Université de Macédoine, donne encore le « non » en tête à 43 % contre 42,5 % pour le « oui » et 14,5 % d’indécis. L’écart est donc minime, mais la dégradation économique est si forte que le besoin de retour à la normale va sans doute peser très lourd dimanche. Reste une matière à réflexion pour l’Europe. Comment est-il possible d’appliquer de tels moyens de pression sur un vote dans un pays de l’Union européenne ? Comment justifier que tous les moyens soient bons pour arracher un vote “acceptable” alors que la solution, une renégociation de la dette, est à portée de main ? L’Europe risque de rester durablement marquée par ce précédent.
Source : Romaric Godin, pour La Tribune, le 3 juillet 2015.
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Grèce : les scénarios de l’après-référendum
Les partisans du “oui” et du “non” ont manifesté vendredi soir à Athènes. Mais que risque-t-il de se passer lundi une fois le résultat connu ? Tentative de réponses.
Une place Syntagma, au centre d’Athènes, noire de monde. Une foule qui s’étend dans les avenues et les rues environnantes et qui a été estimée à 25.000 personnes par l’AFP, mais à plus de 50.000 par Reuters. Vendredi 3 juillet au soir, la manifestation pour le « non » au référendum organisé ce dimanche en Grèce sur les propositions des créanciers du 25 juin dernier a fait le plein. Alexis Tsipras, le premier ministre hellénique, a prononcé un discours (que l’on peut lire ici traduit en français) pour donner confiance au partisans du « non. » « Nous célébrons aujourd’hui la victoire de la démocratie. Nous sommes déjà victorieux, quelle que soit l’issue du scrutin de dimanche, car la Grèce a envoyé un message de dignité, un message de fierté », a-t-il déclaré. Il a également présenté l’enjeu du scrutin de dimanche : «  nous ne laisserons pas l’Europe entre les mains de ceux qui souhaitent soustraire l’Europe à sa tradition démocratique, à ses conquêtes démocratiques, à ses principes fondateurs, aux principes de démocratie, de solidarité et de respect mutuel. »
A moins d’un kilomètre de là, dans le stade des Panathénées, les partisans du « oui » s’étaient aussi réunis. Ils étaient, selon l’AFP 22.000. La vedette de ce rassemblement a été le présentateur de télévision franco-grec Nikos Aliagas, arrivé de Paris, qui a déclaré que « le oui donnera un meilleur avenir à nos enfants. » Les partisans du « oui », qui se présentent volontiers comme des partisans de l’Europe et de l’euro, étaient certes moins nombreux vendredi soir mais ils ont actuellement le vent en poupe dans les sondages, aidé par la dégradation rapide de la situation économique et le ralliement quasiment complet des médias privés grecs. Dans les derniers sondages, le oui et le non sont donnés au coude-à-coude.
Les scénarios : la réunion cruciale de la BCE lundi
Quels sont les scénarios possibles après ce référendum ? Dès lundi 6 juillet, le Conseil des Gouverneurs de la BCE se réunira pour examiner l’accès du système bancaire grec au programme d’aide à la liquidité d’urgence (ELA). C’est une réunion très importante. Les banques grecques ont reconnu n’avoir de la liquidité que jusqu’à lundi midi. Si le « oui » l’emporte, la BCE devrait considérer qu’un accord est possible entre la Grèce et ses créanciers puisque le peuple grec a validé le plan des créanciers. Elle devrait alors relever le plafond de l’ELA disponible pour les banques grecques et permettre ainsi rapidement la réouverture des banques fermées depuis lundi. En cas de « non », la BCE pourrait considérer qu’aucun accord n’est en vue. Elle pourrait alors estimer que les garanties déposées par les banques grecques pour son accès à l’ELA ont une valeur moindre. Sans relever le plafond, elle pourrait réduire la valeur de ces garanties et donc en demander davantage. Dans ce cas, les banques grecques ne seraient plus en mesure de fournir des liquidités à l’économie grecque. Elles resteraient fermées et l’accès à l’argent liquide et aux comptes bancaires deviendraient pratiquement impossible.

Article en intégralité sur Les-crises.fr

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