samedi 20 juin 2015

La Russie et la Grèce font bande à part sur le gaz



Le Monde.fr
 

Après des mois de discussion, Athènes et Moscou officialisent leurs vœux. Le ministre de l’énergie grec, Panagiotis Lafazanis, et son homologue russe, Alexandre Novak, ont signé vendredi 19 juin un accord qui prévoit la construction d’un gazoduc russe en Grèce entre 2016 et 2019.


Ce gazoduc « nous permet de continuer nos projets de constructions d’infrastructures dans le cadre du gazoduc passant par la mer Noire, la Turquie et la construction d’un hub [point d’échange] en Turquie », s’est félicité le ministre russe.

Le document, encore au stade du protocole d’entente, prévoit aussi la création d’une coentreprise, South European Gas Pipeline, détenue à parts égales grecques et russes et à financement russe. Le coût total de la construction du gazoduc s’élève à 2 milliards d’euros, avec une capacité de livraison de 47 milliards de mètres cubes de gaz à ses clients européens.
Le double jeu d’Athènes

Ces derniers mois, les relations entre la Russie et la Grèce n’ont cessé de s’intensifier, alors qu’Athènes peine à trouver un accord avec ses créanciers et que des sanctions sans précédent de l’Union européenne visent l’économie de Moscou.

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Depuis le mois d’avril, le premier ministre grec, Alexis Tsipras, s’est rendu deux fois à Moscou. Alexeï Miller, directeur de Gazprom, est allé en Grèce en avril. Jeudi 18 juin, Alexis Tsipras s’est également entretenu avec le PDG du géant gazier russe en marge du Forum économique international organisé à Saint-Pétersbourg, principal rendez-vous des milieux d’affaires russes.

Mais ce projet constitue un double camouflet pour les Occidentaux. Pour Bruxelles d’abord, qui, en pleines inquiétudes sur une éventuelle sortie de la Grèce de la zone euro, voit Athènes se rapprocher de Moscou. Le gel d'actifs du gouvernement russe en France et en Belgique, lié à l'affaire Ioukos, a ajouté de l’huile sur le feu. De son côté, Washington s’oppose à la Russie dans le cadre de la crise ukrainienne et voit d’un mauvais œil Moscou envisager de renforcer sa capacité de livraison de gaz au marché européen.

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Gazprom à l’assaut de l’Europe

Au début de l’année, la Russie avait annoncé sa volonté d’étendre son réseau de gazoducs. « Gazprom (…) se prépare à livrer du gaz à la lisière de l’UE, c’est-à-dire à la plateforme gazière de la frontière gréco-turque », avait averti Vladimir Chizhov, ambassadeur russe auprès de l’UE au début de 2015.

Jeudi, le géant russe du gaz avait créé la surprise. Gazprom, l’anglo-néerlandais Shell, l’allemand EON et l’autrichien OMV ont signé une lettre d’intention en vue de construire un deuxième gazoduc entre la Russie et l’Allemagne, qui pourrait transporter autant de volumes que l’actuel gazoduc Nord Stream, qui traverse la mer Baltique.

Le Vieux Continent va devoir combler le déclin attendu des gisements néerlandais et britanniques. Bruxelles a essayé de trouver de nouvelles sources d’approvisionnement, mais sur les trois projets rivaux en lice en 2013 pour alimenter l’Europe, seul le Transadriatic Pipeline (TAP) pourrait offrir une alternative au gaz russe. Et ce corridor gazier ne sera mis en service… qu’en 2020.

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