lundi 15 juin 2015

Cette femme était la meilleure amie d’Anne Frank, voici son histoire


Cette femme était la meilleure amie d’Anne Frank, voici son histoire

Jacqueline van Maarsen, amie d'enfance d'Anne Frank, à l'Hôtel de l'Élysée à Midtown à Manhattan, le 29 mai 2015. À côté de Mme van Maarsen une récompense donnée par le World Values Network. (Benjamin Chasteen / Epoch Times)



NEW YORK- Pendant des décennies, Jacqueline van Maarsen n’avait rien dit à personne. Elle ne voulait pas que les gens sachent qu’elle était la meilleure amie d’Anne Frank. Autant le journal d’Anne Frank montrait une jeune fille désireuse de vivre, autant en parler signifiait pour Jacqueline se rappeler qu’elle était morte. Et se rappeler qu’Anne Frank était morte, c’était se rappeler que les tantes de Mme van Maarsen, ses oncles, ses cousins, ses cousines, et la plupart de ses camarades de classe étaient morts.


Après la seconde guerre mondiale, Mme van Maarsen a sauvé ce qu’elle pouvait de sa vie et essayé de passer à autre chose. Elle a épousé un ami d’enfance, a eu trois enfants, et travaillé comme relieuse reconnue à Amsterdam.

« J’ai demandé à mes enfants de ne pas dire à leurs amis à l’école que leur mère était l’amie d’Anne Frank », « si les gens le savaient, ils passeraient leurs temp à me poser des questions » a t-elle commencé à raconter lors de l’interview à la journaliste d’Epoch Times.

La mention d’Anne Frank pouvait déclencher un déluge d’images inquiétantes dans son esprit : Anne sans cheveux mourant du typhus dans le camp de concentration de Bergen-Belsen ; ou encore ses jeunes cousins favoris se ​​tordant lentement de douleur dans une chambre à gaz, dans le camp d’extermination de Sobibor.


Photos des jeunes Jacqueline van Maarsen et Anne Frank. Cette image est une capture d’écran Youtube diffusée par Newsweek Europe.

« Je ne voulais pas penser à ces choses tout le temps » dit-elle.

Elle savait qu’elle ne serait pas en mesure de répondre aux questions sur Anne Frank en public, car elle pouvait à peine faire face aux questions d’Otto Frank, le père d’Anne Frank. Pour le père en deuil, Mme van Maarsen était le seul lien encore présent avec l’esprit d’Anne Frank.

Environ deux mois après que la Seconde Guerre mondiale ait pris fin, un Otto Frank émacié s’est présenté à la maison des Van Maarsen à Amsterdam.

« C’était si étrange de le voir après tout ce temps, et de le voir sans Anne », se souvient-elle.

Otto Frank est venu rendre visite fréquemment à la jeune Jacqueline âgée de 16 ans pour parler de sa fille morte. Il pleurait souvent et sans honte au cours de leurs discussions.

« Je ne voulais pas lui parler. Il était pénible. Mais ma mère m’a dit de continuer à le faire parce qu’il en avait vraiment besoin », a déclaré Mme van Maarsen. « Je pense que pour lui, Anne Frank était encore vivante dans mes souvenirs ».


« Il s’agissait seulement d’une amitié entre deux petites filles. Un accident, presque. »

Pendant le reste de sa vie, Otto Frank continuera à poser des questions à Jacqueline van Maarsen à propos d’Anne. Que ferait Anne Frank aujourd’hui si elle était encore en vie ? « Otto Frank me demandait toujours ceci ». « Il m’a toujours posé cette question, mais à la vérité, je ne savais pas ».

Mme van Maarsen ne croyait pas qu’elle était quelqu’un de particulier. Il s’agissait seulement d’une amitié entre deux petites filles. Un accident, presque.

Depuis que le journal de son amie d’enfance ait connu une renommée internationale, Mme van Maarsen a eu des remises en question sur son identité.

Devait-elle être connue comme étant la meilleure ami d’Anne Frank pour le reste de sa vie, ou devait-elle être connue pour sa propre personne ? Ayant été la dernière meilleure amie d’Anne Frank, quelles responsabilités cela impliquait-il ?

Ce sont des questions avec lesquelles elle a lutté pendant presque toute sa vie.

Elle pensait à leur première rencontre souvent. Mme van Maarsen, à 86 ans, se souvient encore de la première fois où elle entendit la voix d’Anne Frank.



Jopie, le surnom donné par Anne
« Jacqueline ! » cria une voix derrière elle alors que Mme van Maarsen roulait sur sa bicyclette le long de la digue Amstel à Amsterdam. Mme van Maarsen venait de terminer son premier jour à l’école juive séparée et rentrait à la maison en vélo. C’était en septembre 1941. L’antisémitisme n’avait pas encore atteint son apogée dans les Pays-Bas.

À 12 ans, Mme van Maarsen n’avait pas encore réalisé que tout le monde dans sa nouvelle école était juif. Une nouvelle école signifiait pour elle de nouveaux amis.

Jacqueline van Maarsen se retourna. Une fille maigre avec des cheveux noirs volumineux pédalait sauvagement pour la rattraper.
« Vas-tu aussi de cette direction ? demanda la jeune fille, pointant vers le pont Berlage »

Van Maarsen hocha la tête.
« Nous allons remonter ensemble à la maison à partir de maintenant. Je vis sur la place Merwedeplein », dit la jeune fille avec assurance.
« Mon nom est Anne », ajouta t’elle. « Anne Frank ».

Lors de ce premier trajet vers la maison, Anne Frank dit tout d’elle à Jacqueline. Qui étaient ses amis. Quelles filles elle aimait et celles qu’elle n’aimait pas. Jacqueline était très timide, mais elle aimait bien la chutzpah (l’insolence) d’Anne Frank.

Dans la première semaine de leur amitié, Anne Frank a déclaré Jacqueline comme étant sa meilleure amie. « Je ne sais pas ce qu’elle a vu en moi », a dit Jacqueline van Maarsen. « Elle parlait tout le temps et m’a raconté toute sa vie ».


« D’elles-mêmes, elles s’étaient tout dit »

Jacqueline Van Maarsen passait la plupart de ses après-midi et le soir à la maison d’Anne Frank. Çà lui permettait d’échapper à la tension à la maison entre sa mère chrétienne et son père juif. Sa mère voulait retirer ses enfants du registre juif d’Amsterdam. Son père désapprouvait.

Sa mère allait plus tard le faire quand même, et c’est ce qui a sauvé Jacqueline van Maarsen pendant l’Holocauste.


Jacqueline van Maarsen, à la pièce de théâtre « ANNE », basé sur la vie d’Anne Frank, à Amsterdam le 3 mai 2015. (Jerry Lampen / AFP / Getty Images)

Pour éviter les disputes à la maison, Jacqueline van Maarsen allait à la maison d’Anne Frank pour des soirées cinéma. Depuis que les Juifs étaient interdits dans les salles de cinéma, elles avaient créé des faux billets de cinéma réalisés sur la machine à écrire du père d’Anne.

« Nous avions des idées très similaires », déclare Jacqueline van Maarsen. Elles aimaient toutes les deux la lecture de Joop ter Heul , une série de fiction sur une adolescente énergique.

Lorsque Jacqueline van Maarsen lu plus tard les manuscrits du Journal d’Anne Frank, elle se rendit compte qu’elle les avait écrits dans le même style que Joop ter Huel. Et Jopie , l’héroïne de la série, était le pseudonyme de Jacqueline van Maarsen dans le journal d’Anne Frank.

Les filles avaient 12 ans et elles étaient inséparables. Elles aimaient les garçons et elles aimaient Shirley Temple, la petite actrice américaine. Elles s’inventaient des propositions de mariage comme dans leur livre préféré. Elles ont formé ainsi leur identité l’une autour de l’autre.

Il existe des moments où Jacqueline van Maarsen ne peut pas dire si c’est la mémoire de ses propres souvenirs ou si cela vient du journal d’Anne Frank. D’elles-mêmes, elles s’étaient tout dit. Il y avait des choses qu’elle avait oubliées, mais elle s’en souvenait en lisant le journal.

Les Lettres d’Anne Frank
Anne Frank lui disait tout, sauf qu’elle allait vivre dans la clandestinité en 1942. Elle a simplement demandé à Jacqueline une photo d’elle-même. Mais Jacqueline n’en avait pas et ne pensait pas qu’elle en demandait une, parce qu’elles n’allaient plus jamais se revoir.


La lettre originale d’adieu d’Anne Frank à Jacqueline van Maarsen. Cette image est une capture d’écran Youtube diffusée par Newsweek Europe.

La soudaine disparition d’Anne Frank a créé un vide chez elle. « Quand elle est partie, je me suis sentie tellement seule, parce que nous étions si proche », déclare t-elle.

Anne Frank lui a écrit une lettre d’adieu, qui n’a jamais été livrée à Jacqueline parce qu’il était trop dangereux de poster des lettres dans la clandestinité.

« Je souhaite que nous restions toujours les meilleures amies, jusqu’à ce que nous nous revoyions », disait la lettre. Anne Frank avait copié la lettre dans son journal.

Anne Frank prétendait que Jacqueline van Maarsen lui avait répondu, alors elle avait écrit une deuxième lettre dans son journal, en disant qu’elle était heureuse d’entendre Jacqueline et lui demandant de ramasser ses livres, ses cahiers, et les jeux de sa vieille maison pour les garder en lieu sûr pour elle.

Jacqueline van Maarsen n’avait pas eu connaissance de ces lettres jusqu’à ce que, après la guerre, Otto Frank lui montre le journal. Le journal était trop pénible pour elle à lire tout de suite. Mais elle a mémorisé au fur et à mesure les lettres que sa meilleure amie avait écrites pour elle.


Sur cette capture d’écran Youtube diffusée par Newsweek Europe, Jacqueline van Maarsen feuillette le manuscrit du journal d’Anne Frank.

La pertinence aujourd’hui du message d’Anne
À la fin des années 80, quatre décennies après la mort d’Anne Frank, Jacqueline van Maarsen a commencé à regretter sa réticence. Elle ne voulait pas que son identité soit rattachée à celle de sa meilleure amie, victime de l’Holocauste, mais c’était qui elle était.

Si garder la mémoire d’Anne Frank en vie pouvait jouer un petit rôle dans la prévention de futurs génocides, il était de son devoir de le faire. Elle a senti qu’Anne Frank, quelque part dans les cieux, voulait la voir en parler.

Au 21e siècle, alors que des nettoyages ethniques et des persécutions religieuses continuent de se produire en Chine, en Syrie ou en République centrafricaine, Jacqueline van Maarsen a pensé qu’il était encore plus pertinent pour les gens de connaître l’histoire d’Anne Frank.


« Elle a senti qu’Anne Frank, quelque part dans les cieux, voulait la voir en parler »

Bien que l’Holocauste ait pris fin en 1945, le génocide cambodgien a eu lieu en 1975, le génocide rwandais en 1994, le génocide soudanais en 2003, et celui du Falun Gong continue encore d’avoir lieu dans la Chine aujourd’hui – pour n’en nommer quelques uns.

« J’entends des histoires sur ce qui se passe dans le monde et ça me déprime », dit-elle.

Depuis 1987, Jacqueline van Maarsen a voyagé dans différentes écoles en Allemagne et aux États-Unis pour tenir des conférences à propos d’Anne Frank. Elle a écrit quatre livres sur leur amitié, et est apparue dans un documentaire de 2008 sur Anne Frank.

Rattraper le temps perdu
Au son des airs de musique des Années Folles joués dans le club de l’hôtel situé à Manhattan, Jacqueline van Maarsen, 86 ans, essayait difficilement de rester éveillée malgré le décalage horaire.

À la fin mai, Jacqueline avait volé d’Amsterdam à New York pour prendre la parole lors du gala Jewish Values International, récompensant les valeurs de personnalités juives. Voyager est onéreux de nos jours et Jacqueline van Maarsen a eu une attaque l’année passé qui lui donnait des difficultés pour marcher.


Jacqueline van Maarsen, avec son mari Ruud Sanders, à l’Hôtel de l’Élysée à Midtown à Manhattan, le 29 mai 2015. (Benjamin Chasteen / Epoch Times)

Elle a alors posé ces deux mains lentement sur sa marcheuse et s’est redressée pour se tenir plus droite.

Son mari, Ruud Sanders, qui a survécu à l’Holocauste en se séparant de ses parents à l’âge de 12 ans était aller se cacher dans une famille chrétienne dans l’est des Pays-Bas. Il lui tenait son bras pour la soutenir, ils avaient fait le chemin ensemble jusqu’à l’hôtel.

Malgré les douleurs physiques, Jacqueline van Maarsen se déplace encore et donne autant d’interviews qu’elle peut pour rattraper le temps perdu. Elle a assisté à un peu près tous les événements publics auxquels elle a été invitée pour prendre la parole.

« Je suis étonné » a dit son mari Sanders. « Je lui dis tout le temps qu’elle travaille trop dur. Elle devrait reposer plus».

Elle était arrivée 15 minutes en retard à l’interview parce qu’elle s’était accidentellement assoupie dans sa chambre d’hôtel. Mais parfois, elle et son mari se demandent si il y a une utilité à leurs efforts.

« Les gens peuvent apprendre d’Anne Frank. Sur combien la paix est importante » dit Sanders. « Mais je ne sais pas s’ils comprennent ».

« Voilà quelque chose qui me frappe beaucoup » a t-il ajouté. «L’humanité a fait des choses terribles pendant des milliers d’années. Chaque nouvelle génération espère et s’efforce que çà ne se reproduise pas. Malheureusement, nous voyons encore et encore, que l’humanité ne change pas ».

Même si Jacqueline van Maarsen sait que ses efforts ne sont pas susceptibles d’apporter la paix du monde, elle continue quand même de le faire.

Chaque fois qu’elle est invitée à prendre la parole lors d’un événement ou faire une interview, elle se demande à elle-même si Anne Frank voudrait qu’elle fasse cela. La réponse est toujours oui.

Après tout, Anne Frank avait écrit dans son journal : « En dépit de tout, je crois toujours que les gens sont vraiment bons au fond de leur cœur ».

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